Quartett
Avec son Quartett, Heiner Müller nous dévoile un texte d’une grande puissance, particulièrement séduisant par son cynisme et par l’acerbité des propos que s’échangent la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont, les deux héros libertins des Liaisons dangereuses. Durant cet ultime combat, cette joute verbale, ce sont les mots qui sont choisis comme armes principales et de prédilection et Quartett nous rappelle à quel point le verbe peut être destructeur, voire fatal.
Le texte d’Heiner Müller, d’une pertinente actualité, nous renvoie également également à cette absurdité qu’est la guerre des sexes et nous plonge dans cette réflexion : peut-il y avoir un vainqueur et un vaincu? Chacun semble envier, convoiter les armes de séduction de l’autre, sa place, son pouvoir. Ce couple semble agir comme un monstre polymorphe à deux têtes, où chacun devient le miroir déformé et sexué de l’autre, son pendant complémentaire. Enfin, au-delà des mots et de la langue, les thèmes que soulève cette pièce, notamment sur la séduction, le pouvoir et l’impuissance, sont inhérents à la condition humaine. La grande lucidité des personnages sur eux-même, leur distance et leur dignité face à leur décrépitude, à leur chute et à leur mort même pose des questions universelles. Ce jeu dramatique qu’ils rejouent une dernière fois est si désespéré qu’il leur redonne toute leur humanité…
Distribution
- texte : Heiner Müller, d’après Laclos
- traduction : J. Jourdheuil & B. Perregaux
- avec : Cathy Sottas et Pierre-Pascal Nanchen
- mise en scène : Stefan Hort
- régie : Dominique Fumeaux
- création décor, lumière et son : collectif
- coproduction : CMA-Petithéâtre de Sion, Obsidienne Cie et compagnie.sh
Dates précédentes
- Petithéâtre de Sion
du 16 au 26 septembre 2014
www.petitheatre.ch
Soutiens
- Avec le soutien du service de la culture de l'État du Valais, de la Loterie Romande, de la ville de Sion, de la BCVS et des membres de soutien de la compagnie.sh
MERTEUIL : Valmont. Vous êtes à l’heure. Et pour un peu je regretterais votre ponctualité. Elle abrège un bonheur que j’aurais volontiers partagé avec vous, mais il se trouve justement qu’il est impossible à partager, si vous comprenez ce que je veux dire.
VALMONT : Dois-je entendre que vous êtes de nouveau amoureuse, Marquise. Eh bien je le suis aussi, si vous appelez ça comme ça. Une fois de plus. Je serais désolé d’avoir interrompu un amant en train de donner l’assaut à votre belle personne. Par quelle fenêtre s’est-il échappé. Puis-je espérer qu’il se sera cassé le cou.
MERTEUIL : Fi, Valmont. Et gardez votre compliment pour la dame de votre coeur, où que se situe cet organe. J’espère pour vous que la nouvelle gaine est dorée. Vous devriez me connaître mieux. Amoureuse. Je nous croyais d’accord là-dessus, ce que vous appelez l’amour est l’affaire des domestiques. Comment pouvez-vous me supposer capable d’un mouvement aussi bas. Le bonheur suprême est le bonheur des animaux. Assez rare qu’il nous tombe du ciel. Vous me l’avez fait éprouver de temps en temps, quand il me plaisait encore de vous utiliser à cela, Valmont, et j’espère que vous ne repartiez pas les mains vides. Qui est l’heureuse élue du moment. Ou peut-on déjà dire la malheureuse. - (extrait de la pièce)